1_Contexte

Evoluer en s'inspirant des autres
Coton : culture importante en Côte d'Ivoire

La culture cotonnière est pratiquée en Côte d’Ivoire dans la moitié nord du pays à partir du 6ème parallèle. Elle occupe plus de  113 532 familles (Le coton ivoirien, 2017) et est encadrée par cinq sociétés d’égrenage et d’encadrement  des producteurs (CIDT, Ivoire Coton, COIC, SECO et SICOSA) jusqu'à une date récente[1]. Sur la période 2003 à 2015, le rendement moyen national varie entre 771 et 1199 kg/ha de coton graine sans atteindre le rendement moyen record de 1470 kg/ha en 2002.

Productivité et installation de la culture

La qualité de l'installation d'une culture est un facteur important qui détermine l'espérance du rendement. Elle est liée notamment à la possibilité pour la culture de dérouler correctement son cycle dans les conditions climatiques données, au nombre optimal de plants à récolter avec une concurrence minimale entre eux depuis le début du cycle.

La qualité d'installation d'une culture peut dépendre de facteurs hors du contrôle du producteur, auquel cas il lui revient de s'y adapter, ou de facteurs résultant de ses propres actes, auquel cas il dépend de lui pour les modifier. L'arrivée des pluies, rendue plus incertaine par le changement climatique, est typique des facteurs échappant au contrôle des producteurs qui doivent s'y adapter. En culture cotonnière, le semis à forte dose de semences, rendant obligatoire le démariage, est un exemple de choix du producteur.

Installation de la culture en Côte d'Ivoire

Le mode d'installation recommandé de la culture cotonnière a peu évolué en Côte d'Ivoire depuis les années 1970, à l'instar des autres pays de l'Afrique francophone cotonnière. Il se caractérise par un semis en lignes simples, distantes de 80 cm entre elles, dans l'objectif d'atteindre une densité de 83 250 plants/ha avec 2 plants par poquets espacés de 30 cm. La densité réellement obtenue, après un démariage manuel fréquemment réalisé en retard par manque de main-d'œuvre, est en moyenne de 40-50000 plants/ha, du fait de levée pouvant souffrir du manque d'eau après le semis, de l'échec des re-semis ou de facteurs biotiques (maladies fongiques et attaques d'insectes).

Dans la pratique, quasiment tous les producteurs sèment à très forte dose, jusqu'à 6-7 graines par poquet, pour faire face à deux incertitudes. La première concerne le pouvoir germinatif. Même si les semences sont produites selon des modalités rigoureuses, les producteurs ne se départissent pas totalement du doute que le pouvoir germinatif des semences obtenues peut être insuffisant. La deuxième incertitude relève de l'évolution climatique, se traduisant par une installation plus incertaine si ce n'est plus tardive des pluies. Cette évolution a renforcé la pratique du semis à forte dose de semences. Lorsque les pluies semblent tarder à s'installer pour de bon, les paysans tendent à réaliser le semis même après une faible pluie mais en forçant encore plus sur le nombre de graines dans les poquets.

Sans nier le bien-fondé de la pratique prudentielle des producteurs, celle-ci n'est pas optimale, loin s'en faut. Si cette pratique donne l'avantage d'une plus grande capacité à percer un sol sec, ainsi qu'une plus grande probabilité de disposer de plants à chaque poquet, elle a pour effet de rendre nécessaire le démariage sur toute la parcelle et d'accentuer les impacts négatifs d'un démariage exécuté en retard, comme c'est malheureusement le plus souvent le cas par manque de main-d'œuvre. L'espérance de rendement est réduite par une levée hétérogène ou une très forte concurrence entre les plants dans un poquet suivant que l'humidité du sol a été défavorable ou favorable après le semis. La concurrence entre les plants levés dans les poquets est d'autant plus néfaste que les sols sont moins fertiles.

La densité effectivement atteinte après démariage et re-semis interroge aussi sur la qualité d'exécution de la pratique paysanne mentionnée ci-dessus. La densité effectivement atteinte par les producteurs dans leur pratique actuelle (de l'ordre de 50000 plants/ha) est en moyenne du niveau d'une pratique alternative de semis à exactement deux graines par poquet et avec un pouvoir de levée de 60% (cf. Tableau ci-après), et qui est une résultante du pouvoir germinatif des semences et des conditions du sol.

Le tableau précédent montre aussi que la part des poquets totalement vides est très faible si le pouvoir de levée des semences n'est pas inférieur à 80%, et que la part des poquets à deux plants reste substantielle. Le choix de procéder à un semis à forte dose pour devoir procéder systématiquement au démariage est donc discutable quand les conditions de levées ne sont pas catastrophiques.

Le mode d'installation actuel de la culture cotonnière en Côte d'Ivoire n'est pas optimal. Il pâtit d'une forte consommation en semences sans permettre d'atteindre la densité visée. Le niveau de rendement est encore faible et il ne résulte pas seulement de la fertilisation et du contrôle des ravageurs, deux facteurs qui ont accaparé l'attention de la filière cotonnière.

Evolution dans le monde en matière d'installation de la culture

Hors de l'Afrique, les travaux sur le mode d'installation des cultures, non limités au coton, ont abouti à des modifications positives et appliquées, il paraît pertinent de s'en inspirer en Côte d'Ivoire. Dans les pays économiquement développés, la culture du coton a été fortement modifiée par le mode d'installation à très forte densité, technique d'intérêt limité en Côte d'Ivoire à brève échéance, à l'inverse de la technique du semis à double ligne, appliquée notamment dans la culture cannière, et objet déjà de travaux de recherche en cours en Côte d'Ivoire sur la culture cotonnière.

Dans les autres pays, la Chine offre la source d'inspiration la plus intéressante avec la technique de transplantation, appliquée dans toutes les provinces de la vallée du fleuve Yangtse, et même dans des provinces de la vallée du Fleuve Jaune, et où la culture cotonnière vient après une récolte de céréale d'hiver pour assurer deux récoltes par an.  Un voyage d'étude en août 2015 a permis de familiariser certains acteurs des filières cotonnières africaines aux acquis mentionnés des chinois, lors de l'exécution du projet ITK-coton financé par l'Union Européenne et coordonné par le CIRAD. Le Burkina Faso a initié depuis fin 2015 une action pour faire reproduire par les forgerons villageois les outils conçus par les chinois et pour faire connaître la technique de transplantation.

Le projet proposé s'insère dans l'exploitation des acquis dans le domaine de la transplantation du cotonnier.

[1] Depuis l'application effective de la politique de zonage au cours de la campagne 2017-18, une société nouvelle s'est ajoutée, il s'agit de GlobalCotton.