Aïwa, en zone cotonnière du Nord Togo

Le poids sur le coeur de certaines femmes rurales paraît bien plus lourd que ce qui pèse sur leurs épaules (Edi, du Togo, avec l'aide de Michel)

La fin aspirée comme seul espoir

Mariée à 19 ans, mère de six enfants, Aïwa a des journées bien occupées comme toutes les femmes paysannes dans son village de Djé-Djabou. L'entendre aspirer à la fin des jours comme délivrance finale, alors qu'elle n'a que 30 ans, tout en paraissant 50, m'a bouleversée.Ce qui suit, elle me l'a raconté, hoquetant dans ses pleurs.

Ainée de trois co-épouses

Depuis son mariage, Aïwa partage son mari avec deux autres épouses mais suivant un régime inégal. La deuxième épouse vit au village comme elle et partage avec elle tous les travaux du ménage e tdes champs. La troisième épouse ne vient jamais au village; elle vit en ville,dans un logement équipé de téléviseur et d'appareils de musique.

Des occupations champêtres en abondance

Depuis son mariage, Aiwa n’a jamais eu plus que ¾ d'ha à exploiter. Elle y cultive souvent le sésame, le piment, le soja (dont les graines servent à préparer un condiment appelé "moutarde") et d’autres légumes pour la consommation du ménage. Son époux, Koffi, exploite chaque année au moins cinq hectares pour cultiver coton, soja, maïs, mil, sorgho et haricot. 
Pour cultiver son champ sis à environ 1 km de la maison, Aïwa y va travailler dès cinq heure du matin, jusqu’à 6h. Elle retourne à la maison pour s’occuper du petit déjeuner de toute la famille −si c'est sa semaine de s'en occuper− et pour aider les enfants à s’apprêter pour l’école.

Vient le tour des champs du mari. Vers huit heures, accompagnée de sa co-épouse et de ses deux enfants non scolarisés, Aïwa y travaille jusqu'à onze heures pour retourner à la maison préparer le déjeuner. Elle fait manger d'abord les enfants scolarisés avant leur retour à l'école puis emporte à manger au champ. Elle y travaille jusqu’à 17h. Avant de rentrer pour préparer le dîner, elle doit encore chercher le bois.

Des revenus très inégalement répartis

Les seuls revenus monétaires, Aïwa les retire de la vente au marché de ses poules, pintades et œufs mais aussi quelques légumes feuilles de son champ. En une année, elle arrive à peine à mettre de côté vingt mille francs CFA (30 euros) d'économie propre à elle. 

Une partie des céréales des champs du mari est stockée et vendue par l'épouse qui habite en ville. Aiwa n'a aucune idée de la gestion des revenus des champs. Elle fait confiance à son mari pour disposer de l'argent nécessaire en cas de maladie et pour payer les frais de scolarisation et d'habillement des enfants.

Le plus lourd des fardeaux est l'injustice ressentie

Aiwa accepte les fardeaux des travaux quotidiens, entrecoupés de quelques temps de réjouissance à travers des cérémonies de mariages ou de visite à la grande famille. Pour elle, c'est la tradition. Bien d'autres femmes sont passées par là.
Elle ressent beaucoup d'amertume à voir que la plus grande partie de la récolte est envoyée à leur coépouse qui réside en ville et qui ne contribue pas aux activités champêtres.
A peine les travaux champêtres finis  et les produits commercialisés, son mari déménage en ville pour quelques mois. Il ne revient au village qu'épisodiquement, seulement pour le temps de vérifier si ses instructions ont été suivies. A la moindre erreur, c'est une explosion de violence verbale et de gifles. Aussi, toute la famille se recroqueville à chaque arrivée du mari. Pour les quatre dernières années, elle ne peut citer le moindre signe d'affection de son mari.