Enfants, école et coton

Date de mise à jour : Oui

Quel est l'état de la scolarisation des enfants dans les zones cotonnières en Afrique, notamment dans les pays francophones ?

Deux pays, une même situation pour deux causes différentes ?

Le degré de scolarisation des enfants dans les zones cotonnières est désolant selon les résultats des enquêtes menées en 2013 en Côte d'Ivoire et au Bénin dans le cadre du projet AFINE.

A peine la moitié des enfants en âge scolaire est à l'école

En Côte d'Ivoire, seulement 35% des enfants en âge pour l'école primaire et secondaire sont effectivement à l'école, le reste participe donc au moins partiellement aux travaux des champs de la famille. C'est la désaffection de l'école secondaire qui est manifeste. Le taux des enfants en âge d'école primaire et effectivement à l'école est de 44% contre seulement 17% pour les enfants en âge d'école secondaire.

Compte tenu de la décennie de troubles politiques et civils dans le pays et qui ne sont achevés qu'en avril 2011, il est tentant de relier le faible taux de scolarisation aux troubles récents. Mais en est-ce l'unique cause ?  L'on peut en douter.

Au Bénin, le taux de scolarisation est à peine meilleur. Globalement, pour tous les enfants en âge scolaire jusqu'à l'école secondaire, 46% des enfants sont effectivement à l'école. La désaffection de l'école secondaire est aussi manifeste, quoique à un degré moindre. L'école primaire est fréquentée par 50% des enfants de la tranche d'âge correspondante, par contre l'école secondaire ne l'est que par 37% des enfants.

Il n'y a pas eu de troubles politiques ou civils pour expliquer le phénomène de faible scolarisation des enfants au Bénin. Les causes possibles sont la paupérisation des populations rurales et la mauvaise qualité de l'enseignement, en relation avec le désinvestissement de l'Etat dans l'enseignement, deux facteurs auxquels l'application des plans d'ajustement structurel n'est pas étrangère. Il est possible que ces mêmes causes ont eu également leur influence en Côte d'Ivoire, et dont les effets se sont ajoutés à ceux des troubles politiques et civils.

Les observations indiquent que, en termes d'éducation, on est loin du compte des objectifs du Millénaire, dont tout le ramdam politico-médiatique n'a produit que des grandes messes dans des hôtels 5 étoiles.

Une productivité et durabilité de l'agriculture hypothéquée par l'éducation

Le faible taux de scolarisation des enfants en âge scolaire, ceux qui vont constituer la prochaine génération d'agriculteurs, nuit à leurs capacités à maîtriser les techniques culturales pour une utilisation efficiente des facteurs de production et pour préserver les ressources naturelles.

Une telle hypothèque posée par le faible niveau d'éducation serait-elle déjà à l'oeuvre au vu de la régression de la productivité cotonnière. En Côte d'Ivoire, 70 à 80% des chefs d'exploitation, aujourd'hui âgés de 41 ans en moyenne, n'ont pas été à l'école; et quand ils l'ont été, ils se sont arrêtés le plus souvent à l'école primaire. Plus grave encore, les enfants en âge scolaire aujourd'hui, mais qui ne sont pas à l'école, n'ont jamais été à l'école pour 90% d'entre eux. Au Bénin, l'on trouve le taux de 60% pour ces mêmes enfants. Si le différentiel entre les chiffres du Bénin et de la Côte d'Ivoire peut être considéré comme une indication des effets des troubles politiques et civils, le chiffre du Bénin révèle les effets des autres causes, dont celles de la paupérisation et du délabrement de l'enseignement public évoqués plus haut.

Faut-il admettre une génération, voire deux générations perdues ? Faut-il croiser les bras et condamner tant de personnes à rester dans les ténèbres de l'illettrisme ?

La situation actuelle pousse à oser envisager la mise en place d'une formation professionnelle agricole, dont une composante sera de donner une seconde chance à l'apprentissage à ceux restés en marge de l'école.

Michel FOK

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